mercredi 16 octobre 2013
"Hiz ya Wizz" un nouveau clou dans le cerceuil du cinéma tunisien
S’il y a une qualité qu’on ne peut nier à Ibrhaim Letaief c’est sa constance. En effet, l’œuvre cinématographique de notre cher maestro tunisien se distingue invariablement par sa constance dans la médiocrité. Alors que j’avais naïvement cru qu’avec Cinecitta Letaief avait commis le navet absolu aussi bien en termes de réalisation que d’écriture, voilà qu’il arrive à se surpasser dans son nouvel opus intitulé « Hiz ya Wizz » en réalisant l’un des films les plus insipides que l’histoire cinématographique mondiale ait connu. Pour résumer à coté de « Hiz ya Wizz » les inepties sur pellicule de l’égyptien Mohammed Hinidi sont des œuvres aussi respectables que les films produits par le cinéma italien de la grande époque.
D’ailleurs si j’évoque le cinéma italien ce n’est pas par hasard puisque notre maestro Letaief y puise beaucoup de son inspiration comme le démontre le titre français de son film à savoir « affreux cupide et stupide » qui rappelle celui de l’œuvre magistrale d’Ettore Scola « affreux, sales et méchants ». Cette touche italien se retrouve également dans les costumes et les attitudes des personnages mais la comparaison s’arrête là car ce que n’a pas encore compris Ibrhaim Letaief, et vraisemblablement ne comprendra jamais, c’est qu’il ne suffit pas de compiler une série de clichés tirés de ses souvenirs de cinéphile pour appeler cela un film. Ibrhaim Letaief s’entête à réaliser des films sans scénario à moins qu’il ne s’agisse là d’un nouvel exercice cinématographique qui s’inscrit dans la continuité du cinéma d’art et d’essai et dans ce cas Letaief devrait par honnêteté intellectuelle le dire aux spectateurs avant qu’ils achètent leur billet. A l’instar des affiches indiquant que tel film est interdit aux moins de 18 ans, l’affiche de « Hiz ya Wizz » devrait annoncer clairement qu’il a été réalisé sans scénario.
Quant à la mise en scéne, elle a pour mérite d’être assortie à l’histoire du film du point de vue de sa superficialité et de son amateurisme. Ibrhaim Letaief multiplie sans raison les plans serrés quand il n’essaye pas vainement de booster l’action du film par des mouvements saccadés de caméra qui ne servent qu’à accentuer la confusion générale. Je ne m’attarderai pas sur le montage en hachoir du film il suffit de dire que dans une des scènes le héros et sa complice montent dans une voiture la nuit et dans le plan suivant ils arrivent à leur destination en plein jour sans aucune autre forme d’explication.
Cette œuvre cinématographique d’anthologie est servie par une brochette d’acteurs tunisiens aussi mauvais les uns que les autres tout d’abord le héros principal campé par Ahmed Hefiane, cet acteur qu’on avait connu excellent il y a quelques années dans le film poupées d’argile de Nouri Bouzid, n’en finit pas de brader son talent espérons pour lui que cela est dû uniquement à des considérations alimentaires.
On retrouve également Foued Litayem qui joue le personnage d’un petit escroc sans scrupules et qui tout au long du film ne se lasse pas de faire des grimaces aussi stupides et inutiles que celles d’un clown sous-payé invité pour animer la cérémonie de remise des diplômes d’une école primaire.
Sawsen Maalej autre handicapée du talent, interprète le rôle d’un Elvis d’opérette dont la présence est inexplicable du début à la fin du film. D’ailleurs je soupçonne Ibrhaim Letaief d’avoir ajouté ce personnage uniquement comme prétexte pour pouvoir passer les chansons du King.
Letaief a même convaincu Fatma Ben Saiden de jouer un petit rôle dans son navet intégral. Comme quoi même une longue expérience cinématographique ne vous prémunit pas contre des choix désastreux mais pour la défense de Fatma Ben Saiden je dirai que les bons films tunisiens sont tellement rares qu’on ne peut pas en vouloir à certains de nos meilleurs acteurs de se fourvoyer dans de telles aventures foireuses.
Après avoir vu le film de Letaief, je me suis dit qu’en ces temps de crise économique et d’austérité, les restrictions budgétaires devraient en priorité toucher les subventions octroyées par le ministère de la culture au cinéma afin de limiter autant que possible les manifestations du génie cinématographique tunisien.
dimanche 6 octobre 2013
Ben Brik le désabusé
Il y a une dizaine de jours Toufik Ben Brik le plus célèbre opposant tunisien au régime de Ben Ali, le seul homme a avoir réussi l’exploit de grossir durant une grève de la faim, a publié une tribune sur sa page facebook dans laquelle il avouait son désenchantement du combat politique et laissait entendre à demi-mot qu’il regrettait toutes ces années passées à vilipender Zaba et sa clique et à endurer au quotidien lui et ses proches la vindicte du dictateur pour enfin aboutir à une révolution guignolesque prélude à une nouvelle forme de dictature plus pernicieuse que celle de Zaba car elle ne se contentera pas de s’accaparer de la sphère publique mais se proposera également, au nom d’une lecture rétrograde des textes religieux, de régenter la sphère privée.
Cette confession de la dernière heure de notre ami Ben Brik est à la fois touchante et pathétique, touchante parce qu’on ne peut que comprendre et respecter le désarroi de cet homme de principes qui voit toute l’œuvre de sa vie partir à vau-l’eau, mais également pathétique car ce mea culpa tardif dénote d’une naïveté surprenante et d’une méconnaissance totale de la société tunisienne. Comment Ben Brik a-t-il pu imaginer un instant que le renversement de Zaba aller faire émerger une société pluraliste, libertaire et respectueuse des droits de l’homme ? Les tournures que prennent les choses que ce soit en Tunisie, en Egypte et surtout en Lybie et en Syrie démontrent avec force que les peuples arabes sont encore dans une phase de développement analogue à celle de l’occident avant la renaissance : la liberté de conscience est encore un concept chimérique, les penseurs libres font l’objet de fatwas meurtrières et la jeunesse, qui dans une société normale constitue la frange qui cherche le plus à s’affranchir des carcans sociaux, ne rêve, pour une partie d’entre elle, que d’aller manier le sabre et la kalash en Syrie et sur les terrains du djihad mondial.
Ben Brik ne le dis pas mais on sent bien qu’il regrette son Zaba, en effet que serait-il sans son vieil ennemi, que serait Batman sans le Joker juste, un passionné de chauve-souris qui aime porter des collants, sans Ben Ali, Ben Brik n’est qu’un gros bonhomme qui radote au bar-tabac télévisuel de Am Tahar Ben Hassine. Fini le temps des tribunes enflammées au journal le Monde, des chroniques flamboyantes dans la Croix et des reportages subversifs sur la chaîne Arte avant chaque élection présidentielle truquée. Ben Brik s’est retrouvé marginalisé dans cette Tunisie postrévolutionnaire où l’échiquier politique oscille entre ses anciens ennemis les rcdistes et ses nouveaux adversaires les islamistes. Ironie du sort le jour même où Ben Brik publiait sa tribune désabusée, les médias de la place annonçait qu’un certain Borhane Bsaies allait faire son comeback médiatique en grande pompe grâce aux deniers de son nouveau mécène. Comme quoi il n’y a rien de nouveau sous le beau soleil de Tunis.
Cette confession de la dernière heure de notre ami Ben Brik est à la fois touchante et pathétique, touchante parce qu’on ne peut que comprendre et respecter le désarroi de cet homme de principes qui voit toute l’œuvre de sa vie partir à vau-l’eau, mais également pathétique car ce mea culpa tardif dénote d’une naïveté surprenante et d’une méconnaissance totale de la société tunisienne. Comment Ben Brik a-t-il pu imaginer un instant que le renversement de Zaba aller faire émerger une société pluraliste, libertaire et respectueuse des droits de l’homme ? Les tournures que prennent les choses que ce soit en Tunisie, en Egypte et surtout en Lybie et en Syrie démontrent avec force que les peuples arabes sont encore dans une phase de développement analogue à celle de l’occident avant la renaissance : la liberté de conscience est encore un concept chimérique, les penseurs libres font l’objet de fatwas meurtrières et la jeunesse, qui dans une société normale constitue la frange qui cherche le plus à s’affranchir des carcans sociaux, ne rêve, pour une partie d’entre elle, que d’aller manier le sabre et la kalash en Syrie et sur les terrains du djihad mondial.
Ben Brik ne le dis pas mais on sent bien qu’il regrette son Zaba, en effet que serait-il sans son vieil ennemi, que serait Batman sans le Joker juste, un passionné de chauve-souris qui aime porter des collants, sans Ben Ali, Ben Brik n’est qu’un gros bonhomme qui radote au bar-tabac télévisuel de Am Tahar Ben Hassine. Fini le temps des tribunes enflammées au journal le Monde, des chroniques flamboyantes dans la Croix et des reportages subversifs sur la chaîne Arte avant chaque élection présidentielle truquée. Ben Brik s’est retrouvé marginalisé dans cette Tunisie postrévolutionnaire où l’échiquier politique oscille entre ses anciens ennemis les rcdistes et ses nouveaux adversaires les islamistes. Ironie du sort le jour même où Ben Brik publiait sa tribune désabusée, les médias de la place annonçait qu’un certain Borhane Bsaies allait faire son comeback médiatique en grande pompe grâce aux deniers de son nouveau mécène. Comme quoi il n’y a rien de nouveau sous le beau soleil de Tunis.
vendredi 8 mars 2013
L'homme qui aimait les chiens
Alors que certains livres servent uniquement à faire passer les interminables journées administratives (ce qui en soi n’est pas négligeable) d’autres, tel le cheval ailé sur lequel a voyagé le prophète Mahomet, ont la faculté de vous transporter vers des univers insoupçonnés.
« L’homme qui aimait les chiens » de Leonardo Padura fait partie de cette catégorie d’ouvrages. Ceux là même qui lorsqu’on achève leur lecture vous font sentir un peu plus cultivé et peut-être même un peu plus intelligent (un sentiment de plus en plus rare dans la Tunisie d’aujourd’hui).
Écrivain cubain qui a connu ses premiers succès littéraires grâce à des romans policiers ayant pour décor sa ville natale la Havane, Leonardo Padura a décidé dans son dernier roman de s’attaquer à la narration d’un crime non pas fictif mais bel et bien réel qui est celui de l’assassinat de Lev Davidovitch plus connu sous le nom de Léon Trotski.
La singularité de la démarche de Padura consiste à mettre en scène les destins croisés de la célèbre victime et de son anonyme bourreau un certain Ramon Mercader. Ces deux êtres que normalement tout sépare, sauf peut-être leur amour des chiens, deviennent sous la plume de Padura presque des figures gémellaires, une sorte de prototype de l’être humain tiraillé entre le doute et les certitudes, entre la force de ses convictions et l’ignominie d’une réalité désenchantée.
Padura en maître du roman policer réussit à tenir son lecteur en haleine malgré la connaissance de ce dernier de la fin tragique que va connaître Trotski. Cette réussite littéraire tient au fait que « l’homme qui aimait les chiens » dépasse son cadre historique pour s’inscrire dans une réflexion plus profonde concernant le sort des individus qui se retrouvent confrontés à des événements historiques dont l’ampleur les dépasse même lorsque, comme dans le cas de Trotski, ils ont eux-mêmes participé à la genèse de ces événements. Un thème littéraire aussi vieux que la littérature elle-même et que Padura réussit néanmoins à transcender.
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