mercredi 29 avril 2009

Islam et esclavage

L’islam est-il une religion esclavagiste ? Pour un musulman une telle interrogation peut sembler choquante voire même blasphématoire. En effet, dés notre prime enfance on nous a enseigné que l’islam est la religion de la tolérance et du respect d’autrui, une religion qui prône ouvertement les valeurs d’égalité et de justice. D’ailleurs s’agissant d’esclavage, qui ne connaît pas la fameuse anecdote de la libération, par le compagnon du prophète Abu Baker, de l’esclave Bilal d’Abyssinie qui par la suite devint le premier muezzin de l’islam.


Tout cela est bien vrai, mais on ne peut pas passer sous silence le fait que l’islam n’a jamais interdit l’esclavage. Certes, dieu dans le coran ainsi que le prophète lui-même ont fortement incité les fidèles à affranchir les esclaves. Néanmoins inciter ou encourager n’est pas interdire.


Comment alors l’islam peut-il concilier entre le principe d’égalité de tous les êtres humains en droits et en dignité et le fait qu’il tolère l’existence de l’esclavage ?


En tant que croyant cette contradiction me dérange, elle n’altère pas ma foi mais elle me pose un réel dilemme moral. D’ailleurs les islamophobes n’hésitent pas à étaler cette contradiction au grand jour et à l’utiliser afin de pourfendre l’islam et les musulmans.


On peut toujours rétorquer que les autres religions monothéistes regorgent elles aussi de contradiction voire même d’abominations en tout genre (il n’y a qu’à lire attentivement l’ancien testament pour s’en rendre compte) mais un tel argument ne me satisfait pas. En effet, le fait que l’œil du voisin soit transpercé par une poutre, ne rend pas le fétu incrusté dans le mien plus supportable.


Pour quelle raison donc le bon dieu n’a-t-il pas clairement prohibé l’esclavage et n’a-t-il pas jugé nécessaire de menacer les esclavagistes de son courroux ?


Afin que mon cœur de croyant se rassure, il me faut absolument trouver une réponse convaincante. Je pose donc comme postulat que dieu dans son infinie sagesse ne peut légitimement pas se contredire. Il en découle que le principe d’égalité entre les hommes et la non prohibition de l’esclavage ne sont pas à mettre sur le même plan. Le premier est un principe immuable, la seconde est une règle temporaire contingente.


Ce qui le prouve c’est l’insistance du texte coranique sur la nécessité d’affranchir les esclaves. En islam donc l’esclavage n’est pas considéré comme inhérent à la condition humaine mais il s’agit uniquement d’une pratique transitoire propre à une phase historique bien spécifique.


L’islam ne pouvait pas prohiber l’esclavage à son époque car cela aurait irrémédiablement entravé sa propagation puisqu’il se serait mis en marge des réalités politiques et économiques de son contexte historique.


Certes la révélation est une manifestation du divin dans l’espace temporel. Mais cette manifestation aussi transcendante soit-elle, ne pouvait pas faire abstraction de la réalité humaine de l’époque où elle s’est manifestée.


Il serait donc préjudiciable d’appliquer notre vision contemporaine des choses à certains aspects de la religion qui sont étroitement imbriqués dans leur contexte historique. D’où l’importance des approches exégétiques du texte sacré qui vont permettre de discerner ce qui est immuable de ce qui est contingent. Une telle distinction doit se faire sur la base des principes d’égalité, de justice et de liberté qui sont le socle de ce qu’on appelle communément aujourd’hui « les droits fondamentaux de l’Homme ».

dimanche 26 avril 2009

Michel Onfray : de l’athéisme militant à l’islamophobie perfide

Pour ceux qui n’auraient pas la chance ou plus exactement la malchance de le connaître, Michel Onfray est un philosophe mondain surmédiatisé et qui à l’instar d’un Bernard-Henri Levy ou d’un André Glucksman, colporte « sa bonne parole » d’un plateau télé à un autre.

Onfray a connu son petit quart d’heure de gloire grâce à un ouvrage intitulé « traité d’athéologie » dans lequel, en preux chevalier militant de l’athéisme, il a entrepris une critique systématique et virulente des croyances religieuses monothéistes et plus particulièrement du christianisme et de l’islam.

Il faut avouer que par les temps qui courent, être taxé d’islamophobe c’est presque un compliment. D’ailleurs, sur un curriculum vitae de philosophe médiatique, c’est une référence qui vous ouvre des perspectives télévisuelles et radiophoniques alléchantes.

Cependant, l’islamophobie pratiquée sous couvert de critique des religions, étant un fonds de commerce très à la mode, pour pouvoir exister, nos chers philosophes médiatiques n’hésitent pas à verser dans la surenchère la plus éhontée et tant pis pour la morale philosophique.

En matière de surenchère le sieur Onfray surclasse tous ses petits camarades. Chez lui la critique cède souvent la place à la calomnie et à la grossièreté les plus abjectes. A titre d’exemple, en page 207 de son ouvrage on peut lire ceci : Mahomet est « un homme qui ramasseur du crottin des chameaux, ne savait pauvre bougre, ni lire ni écrire… »

Il se peut que mes connaissances philosophiques ne soient pas aussi développées que celles de Monsieur Onfray mais en quoi une telle phrase délibérément provocatrice sert-elle la critique rationnelle. Chez Onfray tout n’est qu’insulte et sarcasme, l’auteur est délibérément méprisant envers ceux qu’il considère comme ses adversaires c'est-à-dire les croyants. Le ton de l’ouvrage n’est pas celui du débat qui procède par argumentation. C’est au contraire celui de l’invective.

A propos de l’islam il écrit également : « moderniser la religion musulmane, vivre un islam laïque, moderne républicain sont des billevesées intenables ».

Ou encore : « l’islam est structurellement archaïque : point par point, il contredit tout ce que la philosophie des lumières a obtenu depuis le 18ème siècle… ».

Michel Onfray a tout à fait le droit de critiquer l’islam et ses symboles, libre à lui même de le démystifier à souhait. En revanche, lorsque la critique n’apporte rien de constructif et que le philosophe se transforme à la fois en juge et en bourreau et qu’il condamne sans appel une religion dans son ensemble, je considère personnellement que cela est une insulte pour tous les musulmans libéraux qui croient en leur religion et qui essayent de la réformer de l’intérieur. C’est une insulte pour tous les libres penseurs musulmans tels notamment Malek Chebel ou Mohammed Talbi qui n’ont eu de cesse de professer un islam tolérant et progressiste.

Il fut un temps où la scène philosophique française était capable de produire des génies à l’instar des Sartre, Foucault et Merleau-Ponty qui ne pouvaient que vous inspirer du respect même si vous ne partagiez pas leurs opinions. Hélas et pour paraphraser un proverbe bien de chez nous : cette flamme sacrée de la philosophie française n’a laissée derrière elle que des cendres futiles.

samedi 25 avril 2009

Pourquoi avons-nous encore peur du don d’organes ?

Je viens récemment de lire un article de presse qui traitait de la problématique du don d’organes en Tunisie. L’auteur expliquait que malgré les nombreuses compagnes de sensibilisation effectuées dans tout le pays, les dons d’organes demeuraient en deçà des objectifs fixés.

L’auteur s’est également demandé pour quelle raison les familles tunisiennes sont encore très réticentes à l'égard de ce type de dons malgré son aspect humanitaire indéniable.

Il est clair que le don d’organes est un sujet qui ne peut laisser personne indifférent car il nous renvoie, qu’on le veuille ou non, à notre propre mort ou du moins à celle d’un de nos proches. Il est donc difficile d’aborder sereinement un tel sujet aussi chargé émotionnellement.

Personnellement et sur un plan purement théorique je ne peux que cautionner le don d’organes. C’est un acte d’une grande noblesse et qui démontre la capacité des êtres humaines à se soucier du sort de leurs semblables et à faire preuve de compassion même dans les moments les plus difficiles.

D’ailleurs pour parler crûment, à choisir entre laisser un cœur ou un foie se décomposer dans la tombe et servir de festin pour les vers ou en faire don afin d’offrir une nouvelle vie à un malade, la question est toute tranchée.

Oui mais voilà, je n’arrive pas encore à dépasser ma réticence malgré la pertinence et la justesse des arguments évoqués, ni à enlever de mon esprit l’image de mon cadavre ou celui d’un de mes proches étendu inerte sur une quelconque table d’opération et qu’un apprenti chirurgien charcute à tout va.

Cette pensée peut paraître aberrante ou insensée mais s’agissant de la question du don d’organes comme d’ailleurs pour tant d’autres, je ne peux m’empêcher de faire mienne cette citation du poète latin Ovide : « je vois le bien, je l’approuve et je fais le mal. »

mardi 21 avril 2009

Déchéance

Interrogé sur les choses dont il avait le plus peur, l’écrivain autrichien Stéphane Zweig avait répondu : « je ne crains rien, ni l’échec, ni l’oubli ; je ne redoute que la maladie, l’âge et l’amertume ».

En lisant cette réponse j’avais cru qu’elle émanait d’un vieil écrivain abandonné par ses forces et au crépuscule de sa vie. Je fus donc surpris en découvrant que Zweig a prononcé ces mots à l’âge de 30 ans. Un âge où normalement on a encore toute la vie devant soi et où on est rarement sujet à ce genre de pensées morbides.

Mais en y réfléchissant bien, on se rend compte à quel point la santé et la vigueur corporelle ne tiennent qu’à un fil. Nombreux sont ceux, qui à cause d’un aléa imprévu, se sont retrouvés prisonnier de leur propre corps piégés par la souffrance et la maladie. Devenus impotents ou grabataires, leur vie à basculer du jour au lendemain.

La déchéance physique d’un être humain n’est pas belle à voir, elle nous renvoie à notre propre faiblesse organique et à la vulnérabilité congénitale de notre existence. Cette déchéance qui vous prive d’une part de votre humanité, comment y faire face ? A quoi peut-on s’accrocher ? A la religion, à la promesse d’une vie meilleure ? Doit-on se résigner et accepter dignement son sort ou bien maudire son destin et se cloîtrer dans son amertume et dans sa haine ?

Embarqués à bord du grand vaisseau de la vie, on a trop souvent tendance à oublier que notre destinée demeure à la merci d’un vent de travers susceptible à chaque instant de la faire chavirer.

samedi 18 avril 2009

Révolution télévisuelle

Lorsque j’étais enfant, l’italien était ma langue télévisuelle je l’ai apprise grâce à des parents cathodiques aussi célèbres que Pippo Baudo, Raffaella Carra ou encore Gianfranco Magalli.

Avec l’avènement des chaînes françaises, la langue de Dante a cédé la place à la langue de Molière. De nombreux jeunes tunisiens ont ainsi pu parfaire leur apprentissage de la langue française en regardant les divers programmes que débitaient à longueur de journée les chaînes francophones.

Certes, il y avait toujours une partie du public tunisien qui préférait les chaînes arabes et les feuilletons égyptiens mais à cette époque de la préhistoire satellitaire, l’offre télévisuelle arabe était quasi-inexistante et se résumait à quelques chaînes nationales insipides et à la programmation désuète.

Le règne télévisuel de la langue française était donc indiscutable. Il a même été renforcé par l’intrusion dans le paysage audiovisuel tunisien de la défunte canal horizon. Néanmoins cet état des choses qui pouvaient paraître à certains comme immuable, allait très vite changer et on a ainsi assisté en l’espace en quelques années à une vraie révolution cathodique dans les chaumières tunisiennes.

Comme toute révolution, ses prémices étaient déjà présentes mais personne ne semblait les voir. Tout d’abord on a eu l’émergence des fameux bouquets satellitaires cryptés TPS et Canal Satellite. Cette apparition a dans un premier temps renforcé la présence des chaînes françaises car il était facile de les pirater et les récepteurs numériques se vendaient comme des petits pains. Dans le palmarès de l’audimat, les chaînes françaises caracolaient toujours en tête même si parfois Aljazeera pointait parfois le bout de son nez mais sa présence dans le classement n’était qu’épisodique et liée à la survenance d’événements importants.

Cette phase transitoire dura quelques années puis soudainement les pirates russes, chinois et algériens n’arrivaient plus à craquer aussi facilement le cryptage des bouquets satellitaires français. Au début ces périodes de sécheresse télévisuelle ne duraient pas beaucoup, mais au fil du temps ce qui était l’exception devint la règle et il a bien fallu se résigner à ranger sa carte viaccess aux oubliettes et à abandonner sa télécommande.

Les plus chanceux se sont rabattus sur leurs vieux récepteurs analogiques afin de pouvoir continuer à regarder les quelques chaînes françaises qui demeuraient encore non cryptées et tant pis pour la qualité du son et de l’image. Tels des résistants français écoutant en cachette radio Londres, ces irréductibles analogiques étaient les derniers survivants de la francophonie télévisuelle.

La nature ayant horreur du vide, cette quasi-disparition des chaînes françaises du monde numérique a permis aux tunisiens de se familiariser avec l’univers des chaînes satellitaires arabes qui, à la même époque, avaient commencé à déployer leur arsenal impressionnant de clips racoleurs, de prédicateurs enfiévrés et de feuilletons en tout genre.

L’offensive de charme de ces chaînes s’est accentuée ces derniers temps avec l’apparition des chaînes thématiques qui diffusent les séries et les films américains en VO sous-titrées en arabe. Ainsi, même les tunisiens qui affichaient de l’indifférence ou de l’hostilité à l’égard des chaînes arabes ont été subjugués par cette nouvelle offre télévisuelle.

Mais que l’on soit pour ou contre cette petite révolution cathodique, elle aura au moins le mérite de permettre aux jeunes générations d’avoir plus de facilité avec la langue de Shakespeare. Quant aux promoteurs de la francophonie, ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes si l’aura et l’influence de la langue française déclinent à vue d’œil dans nos contrées.

samedi 11 avril 2009

Chiffres du divorce en Tunisie : du pain béni pour les conservateurs

Selon des statistiques qui viennent récemment d’être publiées, la Tunisie aurait l’un des taux les plus élevés du monde arabe en matière de divorce. Les chiffres fournis montrent également que les demandes de divorce émanent principalement de la gent féminine.

La publication de cette statistique dans certains médias électroniques tunisiens a suscité une multitude de commentaires désapprobateurs de la part des internautes qui ont dénoncé à l’unisson cette augmentation des divorces au sein de la société tunisienne.

Jusque là rien d’anormal, il faut dire que dans l’imaginaire collectif le divorce ne jouit pas d’une bonne réputation. En revanche, ce qui m’a interpellé dans les commentaires qui ont été formulés, c’est leur dénonciation infecte de la réglementation tunisienne relative au statut personnel et plus particulièrement la liberté, qu’elle accorde aux femmes, de demander le divorce. Pour les commentateurs les chiffres du divorce démontrent l’échec cuisant du modèle sociétal tunisien qui en voulant singer l’occident a perdu son identité et ses vrais repères.

Les auteurs de ces commentaires ont d’ailleurs clairement affiché leurs orientations idéologiques puisque leur critique s’est fondée sur les mêmes arguments religieux que rabâchent à longueur de journée les prédicateurs enturbannés des chaînes satellitaires arabes.

Pour ma part, je considère que les statistiques fournies doivent être interprétées dans un sens positif. Certes, la séparation d’un couple quelle qu’en soit la raison est un constat d’échec dont les deux protagonistes doivent assumer la responsabilité et les conséquences. Cependant mettre fin à une union bancale est un geste salutaire qui permet de sauver ce qui peut encore l’être et de pouvoir espérer recommencer sous de meilleures auspices la quête d’un nouveau bonheur conjugal.

Cela démontre également la maturité d’une société dont les membres acceptent l’inévitable conséquence de leurs fautes ou mauvais jugements au lieu de les répéter à l’infini. Dans d’autres pays arabes, la peur du regard des autres et le manque d’éducation et de maturité des hommes et des femmes poussent les couples à rester ensemble et à se supporter au-delà du supportable alors que l’amour ou l’entente qui avaient jadis existé ont depuis longtemps laissé la place à des sentiments de haine ou pire encore de dégoût.

De même, le fait que dans la société tunisienne les divorces soient en majorité réclamés par les femmes (chose qui a scandalisé au plus haut point les défenseurs des valeurs familiales « ancestrales ») prouve que la femme tunisienne a acquis une grande confiance en elle-même et en ses moyens.

Combien de femmes même en Europe aimeraient se détacher d’un mari violent ou alcoolique mais elles n'y arrivent pas à cause de leur manque de moyens matériels ou d’éducation. Elles craignent donc de quitter le domicile conjugale et se résignent faute d’alternatives viables à rester à la merci de leurs bourreaux.

Ce qui me fait dire que derrière cette défense des valeurs familiales dont se targuent les commentateurs de ces chiffres, il y a une tentative insidieuse visant à remettre en cause ce droit important dont jouissent les femmes tunisiennes et que les extrémistes religieux n’ont jamais pu digérer.

D’ailleurs, si le nombre de divorce est plus important chez nous que dans les autres pays arabes c’est sûrement parce que nos femmes peuvent en faire la demande à l’inverse des autres femmes. La comparaison en la matière entre la Tunisie et les pays de la région est donc erronée faute de similitudes.

Gageons que si demain les autres femmes arabes se voyaient octroyer les mêmes droits que leurs homologues tunisiennes, la courbe des divorces dans ces pays grimperait de façon exponentiel.

jeudi 9 avril 2009

Lexique journalistique du viol

En parcourant ces derniers temps la rubrique des faits divers des journaux nationaux j’ai été effaré par la multiplication des affaires de viol perpétrées le plus souvent avec une grande sauvagerie.

J’ai également été interpellé par la manière avec laquelle les journaux d’expression française relatent ce type d’événements sordides. Il y a comme une entente tacite entre les chroniques judiciaires pour recourir à un lexique et à une phraséologie inspirés principalement du règne animal.

Ainsi, la victime est toujours comparée à une proie sans défense quant à l’agresseur il est tour à tour qualifié de loup assoiffé, de prédateur féroce ou encore de bête impitoyable. De même, l’endroit où le violeur emmène sa victime pour commettre son forfait est décrit comme une tanière ou un repère. Cette approche réductrice porte surtout tort à la victime qui perd son statut de femme au profit de celui peu valorisant de proie déshumanisée.

A vrai dire, ce qui me gêne le plus dans ce recours quasi-systématique aux métaphores animalières, c’est qu’il est susceptible de faire naître dans l’esprit des lecteurs l’idée que la survenance de ce genre de crimes abominables est inéluctable comme l’est la capture et la mise à mort d’une gazelle par un fauve dans la savane africaine.

Certes on peut comprendre que les journalistes veuillent trouver une accroche stylistique originale pour relater des crimes aussi immondes, mais cela risque de banaliser le viol en le rattachant (même de manière inconsciente) à une fatalité naturelle comme celle qui prévaut au sein du monde animal.

dimanche 5 avril 2009

Ma liste de haine

Arrivé à un âge où il me fallait absolument mettre en application le fameux principe socratique « connais-toi, toi-même », j’ai décidé de commencer ce travail introspectif en établissant une liste pour recenser de manière méthodologique tous les petits merdeux dont la seule présence suffit à me pourrir la journée. Une sorte de "hate list" comme diraient les anglais.

Certes j’aurais pu commencer par une liste des gens et des choses que j’apprécie mais étant un salopard dans l’âme, je ne pense pas que je puisse rédiger une telle liste couleur rose bonbon avec les points des « i » en forme de jolis petits cœurs.

S’agissant de ma liste de haine elle comprend notamment (j’insiste sur le notamment) :

1- Les amateurs de Amrou Khalid. C'est-à-dire tous les fans inconditionnels de ce bonobo moustachu qui ne perdent pas une miette de ses discours et qui sont comme hypnotisés par les reflets scintillants de sa Rolex dorée gagnée à la sueur de ses prêches télévisuels. D’ailleurs si quelqu’un ose émettre une critique à l’encontre de leur nouveau prophète, ils (et surtout elles) sont prêts à lui sauter à la gorge pour lui arracher une oreille dans un geste digne de celui de Tyson face à Holifield.

2- Les mordus de facebook tous ces petits cons qui y passent leur journée et qui vous regardent d’un air complètement ahuri comme si vous étiez venus bosser en ayant seulement mis un slip kangourou seulement parce que vous avez eu la naïveté de leur avouer que vous n’avez pas encore créé un compte.

3- Les chauffeurs de taxi bavards qui vous gavent avec leurs histoires à la con sur la pluviométrie et le beau temps à tel point qu'on dirait qu’ils sont tous des propriétaires terriens. Autre sujet de conversation qu'ils affectionnent c'est l’impolitesse des tunisiens au volant alors que c’est eux les champions du monde en matière d’incivilité sur la voie publique.

4- Les propriétaires de salons de thé qui le week-end ne servent que le café Lavazza et vous le font payer la peau des fesses. Au prix où ils le vendent leur jus de chaussettes c’est Jacques Vabre lui-même qui devrait venir vous le servir.

5- Les couples nouvellement mariés qui n’arrêtent pas de vous soûler avec les détails de leur voyage de noces : et comment le premier jour un papillon s’est posé à côté d’eux, et comment ils n’ont pas digéré la nourriture de l’hôtel et à quel point ils ont rigolé en se tapant un coup de soleil en même temps. Après une heure passée à écouter un tel récit, même Gandhi aurait eu des envies de meurtre.

6-…

La liste n'est nullement exhaustive d'ailleurs chacun peut établir la sienne c'est un exercice hautement thérapeutique.

Lablebi et patriotisme

On a souvent coutume de dire que ce qui fait l’identité d’un pays ce sont principalement ses symboles nationaux qu’il s’agisse de symboles culturels, architecturaux ou culinaires. Concernant ce dernier point, il est intéressant de constater que certains plats sont irrémédiablement associés dans l’imaginaire collectif à des pays bien spécifiques. Ainsi la Paëlla est toujours rattachée à l’Espagne, les pâtes et la pizza à l’Italie et les sushi au Japon. Cette énumération n’est d’ailleurs pas exhaustive et on peut multiplier à loisir les exemples de ce genre.

Pour ce qui est de la Tunisie, un observateur étranger pourrait considérer que le couscous est sans aucun doute notre plat national. Une telle affirmation même si elle n’est pas totalement erronée, dénote néanmoins d’une vision superficielle des choses car même si le couscous occupe une place de choix dans notre panthéon culinaire, il n’en demeure pas moins que ce plat n’est pas l’apanage des seuls tunisiens puisque nos amis marocains, algériens et libyens peuvent légitimement en revendiquer la paternité.

Pour ma part, je considère que s’il y a un plat exclusivement spécifique à la Tunisie et qui peut aisément être érigé en emblème national c’est sans conteste notre fameux Lablebi. Les tunisiens peuvent d'ailleurs être fiers d’avoir offert au monde ce mets exquis qui constitue la quintessence de notre savoir culinaire millénaire.

Cette évocation du Lablebi me rappelle une anecdote de mon enfance dans laquelle il a joué un rôle de premier ordre. Etant enfant, nous avions reçus dans notre famille des amis français venus séjourner en Tunisie avec leurs enfants.

Dans une tentative de promotion du patrimoine culinaire national, nous les avions gentiment conviés à déguster un bol de Lablebi dans une gargote du centre ville de Tunis dont le slogan publicitaire était « si tu trouve dans ton Kaftegi une dent, c’est que certainement il sera très bon ».

Les amis français étant friands de sensations fortes, nous avions pensé qu’un déjeuner dans un endroit aussi pittoresque allait certainement les enchanter. Mais dans notre souci de satisfaire leur goût pour l’exotisme nous avions oublié les différences structurelles qui existent entre un estomac européen et son homologue arabe.

En effet, une fois le denier pois chiche avalé nos amis français ont tout de suite cherché à atteindre les premières toilettes disponibles. Il était donc clair qu’en matière de sucs gastriques la supériorité de la race arabe n’était plus à démontrer.

Cependant et malgré ce petit accident digestif, nous avions naïvement cru que nos amis gaulois avaient apprécié à sa juste valeur ce mets délicat et raffiné qu’est notre cher Lablebi.

Quelle fut donc ma surprise d’entendre la nuit venue l’un des enfants français demander à son père d’une voix grave et mélancolique : « papa pourquoi ils nous ont fait manger de la nourriture pour chiens ? »

Au son de ces paroles blasphématoires et calomnieuses, la harissa du Lablebli m’est montée au nez et j’ai bondi comme un forcené pour demander des excuses diplomatiques solennelles au nom de ma famille ainsi qu'au nom de tous les fellagas dont le sang immaculé à nourri la terre sacrée de ce pays.

Il y a certaines choses que la dignité patriotique ne peut tolérer. S’ils avaient insulté la chakchouka ou la Mloukhia j’aurais pu laisser faire mais s’agissant de Lablebi c’était Patria o muerte.