L’islam est-il une religion esclavagiste ? Pour un musulman une telle interrogation peut sembler choquante voire même blasphématoire. En effet, dés notre prime enfance on nous a enseigné que l’islam est la religion de la tolérance et du respect d’autrui, une religion qui prône ouvertement les valeurs d’égalité et de justice. D’ailleurs s’agissant d’esclavage, qui ne connaît pas la fameuse anecdote de la libération, par le compagnon du prophète Abu Baker, de l’esclave Bilal d’Abyssinie qui par la suite devint le premier muezzin de l’islam.
Tout cela est bien vrai, mais on ne peut pas passer sous silence le fait que l’islam n’a jamais interdit l’esclavage. Certes, dieu dans le coran ainsi que le prophète lui-même ont fortement incité les fidèles à affranchir les esclaves. Néanmoins inciter ou encourager n’est pas interdire.
Comment alors l’islam peut-il concilier entre le principe d’égalité de tous les êtres humains en droits et en dignité et le fait qu’il tolère l’existence de l’esclavage ?
En tant que croyant cette contradiction me dérange, elle n’altère pas ma foi mais elle me pose un réel dilemme moral. D’ailleurs les islamophobes n’hésitent pas à étaler cette contradiction au grand jour et à l’utiliser afin de pourfendre l’islam et les musulmans.
On peut toujours rétorquer que les autres religions monothéistes regorgent elles aussi de contradiction voire même d’abominations en tout genre (il n’y a qu’à lire attentivement l’ancien testament pour s’en rendre compte) mais un tel argument ne me satisfait pas. En effet, le fait que l’œil du voisin soit transpercé par une poutre, ne rend pas le fétu incrusté dans le mien plus supportable.
Pour quelle raison donc le bon dieu n’a-t-il pas clairement prohibé l’esclavage et n’a-t-il pas jugé nécessaire de menacer les esclavagistes de son courroux ?
Afin que mon cœur de croyant se rassure, il me faut absolument trouver une réponse convaincante. Je pose donc comme postulat que dieu dans son infinie sagesse ne peut légitimement pas se contredire. Il en découle que le principe d’égalité entre les hommes et la non prohibition de l’esclavage ne sont pas à mettre sur le même plan. Le premier est un principe immuable, la seconde est une règle temporaire contingente.
Ce qui le prouve c’est l’insistance du texte coranique sur la nécessité d’affranchir les esclaves. En islam donc l’esclavage n’est pas considéré comme inhérent à la condition humaine mais il s’agit uniquement d’une pratique transitoire propre à une phase historique bien spécifique.
L’islam ne pouvait pas prohiber l’esclavage à son époque car cela aurait irrémédiablement entravé sa propagation puisqu’il se serait mis en marge des réalités politiques et économiques de son contexte historique.
Certes la révélation est une manifestation du divin dans l’espace temporel. Mais cette manifestation aussi transcendante soit-elle, ne pouvait pas faire abstraction de la réalité humaine de l’époque où elle s’est manifestée.
Il serait donc préjudiciable d’appliquer notre vision contemporaine des choses à certains aspects de la religion qui sont étroitement imbriqués dans leur contexte historique. D’où l’importance des approches exégétiques du texte sacré qui vont permettre de discerner ce qui est immuable de ce qui est contingent. Une telle distinction doit se faire sur la base des principes d’égalité, de justice et de liberté qui sont le socle de ce qu’on appelle communément aujourd’hui « les droits fondamentaux de l’Homme ».