A
cette question aux relents fortement égocentriques, certains esprits
clairvoyants pourraient répondre par un « qu’est-ce qu’on en a à
foutre ». Une telle réponse un peu cavalière certes serait néanmoins tout à
fait acceptable, moi-même ayant une sainte horreur de tous ces bloggeurs et
bloggeuses qui ne voient pas au-delà de leur nombril et qui, à longueur de
journée, ne font que parler de la couleur de leur string et autres sujets
cruciaux du même acabit.
Plus
sérieusement, mon interrogation concernant la langue utilisée pour rédiger mes
billets découle du constat objectif suivant : le nombre des lecteurs des
billets libellés en arabe est nettement plus important que celui de ceux
rédigés dans la langue de Molière. Cette statistique n’est pas propre à mon
seul blog puisqu’elle est confirmée par une tendance générale qui traverse
l’ensemble de la blogosphère tunisienne et qui fait que les blogs arabophones
(qu’ils soient en arabe littéral ou dialectal) semblent, ces derniers temps,
avoir la cote auprès des lecteurs plus que leurs homologues rédigés en
français.
Est-ce
qu’il s’agit d’un simple effet de mode ? Ou bien est-ce que c’est une des
conséquences insidieuses de l’islamisation rampante de la société tunisienne et
dont l’arabe est la langue de prédilection ? Il est difficile de se
prononcer sur la chose d’autant plus que la blogosphère tunisienne elle-même
n’est plus ce qu’elle était et l’échantillon des blogs qui sont encore actifs
n’est pas assez représentatif pour pouvoir tirer des conclusions pertinentes.
Ce qui est sûr en revanche c’est que la langue française en particulier et les
francophiles en général ne sont plus en odeur de sainteté au sein de la société
tunisienne postrévolutionnaire. La francophonie est même devenue une insulte
dans la bouche de certains puisque les amoureux de la culture française sont
accusés d’être une sorte de cinquième colonne œuvrant pour servir les intérêts
de l’Etat français et pour propager la laïcité et l’athéisme. Il faut avouer que l’attitude ambigüe des autorités françaises vis-à-vis de la
révolution tunisienne y est pour beaucoup.
Nos gouvernants
actuels semblent également allergiques à la langue française car elle représente à leurs
yeux cette Tunisie moderniste et « libérale » qui s’oppose
farouchement à leur modèle de société teinté de conservatisme et dont les
inspirations sont plutôt orientales. L’exacerbation des tensions autour de
cette question linguistique a même poussé le sex-symbol de la prédication islamiste frère
Tariq Ramadan à se prononcer sur le sujet lors de sa visite médiatique à Tunis
en appelant les autorités et le peuple tunisien à préserver le bilinguisme car
il constitue indubitablement une richesse et non une aliénation comme certains
esprits rétrogrades se plaisent à le faire croire.
L’échec
cuisant de cette expérience semble avoir échappé à la sagacité de nos actuels
dirigeants puisque dernièrement le ministre de l’éducation vient de déclarer
que l’arabisation à outrance de l’enseignement est une priorité du
gouvernement. De telles déclarations sont de nature à nous rassurer sur
l’avenir scolaire de nos jolies têtes brunes et il est certain que les écoles
privées qui dispensent des programmes dans lesquels les langues étrangères sont
bien présentes ont encore de beaux jours devant elles. Tant pis donc pour les
petits tunisiens issus des classes populaires et dont les parents n’ont pas les
moyens de les inscrire dans de telles écoles. D’ailleurs pourquoi ont-ils
besoin d’apprendre les langues étrangères ? L’apprentissage de l’arabe
suffit amplement pour en faire de bons petits soldats de la foi qui œuvreront énergiquement
à la lutte contre le vice et à la promotion de la vertu.
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