Il y
a des jours où tout semble aller de travers. Des jours où l’envie vous prend
soudain d’embarquer sur un de ces radeaux de la Méduse à destination de
l’Italie et laisser ainsi derrière soi ce pays de cocagne religieuse qui, de
jour en jour, se transforme lentement mais sûrement en une ochlocratie
moyenâgeuse.
En
écrivant ces lignes dont l’encre virtuelle dégouline d’amertume et de dégoût,
je me rends bien compte que je risque de passer aux yeux des apprentis
révolutionnaires et autres chevaucheurs professionnels de la révolution bénie
pour un sale petit orphelin du déchu. A tous ces détracteurs réels ou
imaginaires, défenseurs minables de la veuve et de l’orphelin j’adresse un bras
d’honneur magistral.
D’ailleurs
pour dire la vérité et sans vouloir nullement me justifier, ce n’est pas la
Tunisie mauve et médiocre de Zaba que je regrette mais celle de la fin des
années quatre-vingt et du tout début des années quatre-vingt-dix : la
Tunisie d’avant les salons de thé et les écoles primaires privées, la Tunisie
de la mixité sociale et de la classe moyenne triomphante que l’on pensait
immunisée contre l’extrémisme et la bêtise. C’est cette Tunisie là que je
regrette du fond du cœur et non la Tunisie bâtarde et obscène gangrénée par la
corruption et le népotisme outrancier de ces dernières années dont le seul fait
d’arme est celui d’avoir été classée comme une destination phare du clubbing
bas de gamme.
Tous
ces phénomènes étranges venus d’un autre âge que l’on voit aujourd’hui sont le
fruit de la politique de désertification culturelle et économique de ces années
de plomb qui viennent de s’achever. D’ailleurs les petits talibans en puissance
qui se pavanent dans nos rues devraient logiquement faire un saut en Arabie
bédouine pour remercier le déchu car c’est grâce à lui et à son système de
médiocrité assumée à tous les niveaux de la société tunisienne que leur cause a
si bien prospéré sous nos cieux.
Mon
cœur se resserre en pensant à tout ce temps perdu, à ces vingt-trois années
d’hibernation intellectuelle qui seront peut-être suivies d’une longue nuit
d’obscurantisme revanchard.
Il y
a des jours où les regrets vous empoisonnent l’âme et la tristesse s’infiltre
par tous les pores de votre corps telle une pluie acide brûlante. Il y a des
jours où on aurait aimé avoir les moyens pour pouvoir rester couché dans son
lit douillet à contempler par sa fenêtre l’enivrant ballet des nuages dans le
ciel bleu de Tunis.
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