Au
temps de l’empire romain, la politique suivie par les empereurs et la classe régnante
pour éloigner la plèbe des affaires publiques et s’assurer ainsi un règne
tranquille et prospère consistait à lui offrir un peu de nourriture pour
remplir les estomacs affamés et beaucoup de jeux du cirque pour divertir les
esprits. Un célèbre poète romain a résumé les attentes du peuple vis-à-vis de
ses dirigeants par l’expression « du pain et des jeux » devenue
depuis proverbiale.
Selon
les historiens, ce diptyque a été une des assises fondamentales de la
civilisation romaine et un outil merveilleux de contrôle des masses populaires
notamment lorsque celles-ci ne jouissent pas d’un niveau intellectuel et
culturel très élevé. En Tunisie, le pouvoir novembriste a lui aussi usé (et
abusé) de cette vieille technique romaine pour endormir la population. En effet,
lors des dix premières années du règne du déchu, le pouvoir a relativement bien
réussi à distribuer les fruits de l’embellie économique et c’est le football
qui a fait office de jeux du cirque fonction qu’il a remplie à merveille.
Cependant
lorsque la machine économique s’est grippée et que la corruption est devenue
une pratique généralisée, le pouvoir a commencé à vaciller et même les jeux du
cirque footballistique n’ont plus été suffisants pour occuper les esprits.
Aujourd’hui
après un an de la révolution et alors que l’économie tunisienne a encore du mal à
redémarrer sur de bonnes bases, il semble bien que le nouveau moyen à la mode
pour divertir la populace et détourner ainsi son regard des sujets sensibles,
c’est celui des jeux du cirque religieux dont les héros sont des gladiateurs
barbus venus chez nous le glaive entre les dents pour en découdre avec ce
qu’ils appellent les mécréants progressistes.
Ces
show men de la foi sont acclamés par des foules en délire accourues en masse
pour se délecter de leurs prêches haineuses et obscurantistes. A la sortie, les
spectateurs repartent gonflés à bloc, pétris de certitudes et sûrs d’être du
bon côté de la barrière idéologique. Peu importe que l’économie soit encore
chancelante, que les vrais défis soient ceux de l’emploi et de la croissance,
seules les questions d’ordre théocratique semblent préoccuper les esprits. La
Tunisie post-révolutionnaire sera religieuse ou ne sera pas.
Quant
aux partisans de la modernité et de l’islam rationnel, ils se retrouvent entraînés
dans des polémiques stériles sur des sujets exotiques et secondaires dont la
futilité finit par rejaillir sur eux ce qui les fait apparaître aux yeux du
petit peuple comme des éternels pleurnichards et des défenseurs invétérés du
libertinage et de la nudité. Pendant ce temps là ceux qui ont facilité
administrativement et logistiquement la venue sous nos cieux des hérauts de la
foi puritaine se frottent joyeusement les mains et se préparent déjà à récolter
les fruits électoraux de leur politique de divertissement des masses.
Décidément
nos gouvernants actuels sont plus forts que les empereurs romains, ils n’ont
même pas besoin de pain pour contenter le bon peuple, les jeux religieux
permettent aussi bien de le rassasier que de le divertir.
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