dimanche 6 octobre 2013

Ben Brik le désabusé

Il y a une dizaine de jours Toufik Ben Brik le plus célèbre opposant tunisien au régime de Ben Ali, le seul homme a avoir réussi l’exploit de grossir durant une grève de la faim, a publié une tribune sur sa page facebook dans laquelle il avouait son désenchantement du combat politique et laissait entendre à demi-mot qu’il regrettait toutes ces années passées à vilipender Zaba et sa clique et à endurer au quotidien lui et ses proches la vindicte du dictateur pour enfin aboutir à une révolution guignolesque prélude à une nouvelle forme de dictature plus pernicieuse que celle de Zaba car elle ne se contentera pas de s’accaparer de la sphère publique mais se proposera également, au nom d’une lecture rétrograde des textes religieux, de régenter la sphère privée.

Cette confession de la dernière heure de notre ami Ben Brik est à la fois touchante et pathétique, touchante parce qu’on ne peut que comprendre et respecter le désarroi de cet homme de principes qui voit toute l’œuvre de sa vie partir à vau-l’eau, mais également pathétique car ce mea culpa tardif dénote d’une naïveté surprenante et d’une méconnaissance totale de la société tunisienne. Comment Ben Brik a-t-il pu imaginer un instant que le renversement de Zaba aller faire émerger une société pluraliste, libertaire et respectueuse des droits de l’homme ? Les tournures que prennent les choses que ce soit en Tunisie, en Egypte et surtout en Lybie et en Syrie démontrent avec force que les peuples arabes sont encore dans une phase de développement  analogue à celle de l’occident avant la renaissance : la liberté de conscience est encore un concept chimérique, les penseurs libres font l’objet de fatwas meurtrières et la jeunesse, qui dans une société normale constitue la frange qui cherche le plus à s’affranchir des carcans sociaux, ne rêve, pour une partie d’entre elle, que d’aller manier le sabre et la kalash en Syrie et sur les terrains du djihad mondial.

Ben Brik ne le dis pas mais on sent bien qu’il regrette son Zaba, en effet que serait-il sans son vieil ennemi, que serait Batman sans le Joker juste, un passionné de chauve-souris qui aime porter des collants, sans Ben Ali, Ben Brik n’est qu’un gros bonhomme qui radote au bar-tabac télévisuel de Am Tahar Ben Hassine. Fini le temps des tribunes enflammées au journal le Monde, des chroniques flamboyantes dans la Croix et des reportages subversifs sur la chaîne Arte avant chaque élection présidentielle truquée. Ben Brik s’est retrouvé marginalisé dans cette Tunisie postrévolutionnaire où l’échiquier politique oscille entre ses anciens ennemis les rcdistes et ses nouveaux adversaires les islamistes.  Ironie du sort le jour même où Ben Brik publiait sa tribune désabusée, les médias de la place annonçait qu’un certain Borhane Bsaies allait faire son comeback médiatique en grande pompe grâce aux deniers de son nouveau mécène. Comme quoi il n’y a rien de nouveau sous le beau soleil de Tunis.

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