dimanche 20 novembre 2011

La Tunisie sur la voie égyptienne ?


Au début des années soixante-dix, la société égyptienne était considérée comme l’une des plus modernes du monde arabe. Le régime nassérien, malgré ses nombreux travers, avait néanmoins réussi à insuffler un élan moderniste à l'Égypte. La vie culturelle, baromètre infaillible de la bonne santé de toute société humaine, s’était épanouie nonobstant la répression exercée par le régime et même aujourd’hui lorsque les intellectuels égyptiens évoquent cette époque c’est souvent avec une sincère nostalgie.

Malheureusement l'Égypte actuelle n’a strictement plus rien à voir avec ce qu’elle était du temps de Nasser. En l’espace de quarante ans, la société égyptienne s’est irrémédiablement engagée sur la voie de l’islamisme radical. En effet, la politique laxiste de Sadate vis-à-vis des mouvements islamistes leur a permis de diffuser leur idéologie au sein de la société notamment auprès des populations pauvres, chose qui leur était interdite auparavant. De même, la révision des manuels scolaires sous l’impulsion des islamistes et avec la complicité tacite du nouveau régime à contribuer à l’endoctrinement des jeunes générations. Enfin, la pénétration du wahhabisme saoudien dans l’environnement égyptien, par le biais des travailleurs émigrés, a revigoré le renouveau islamiste au sein du pays tout en lui conférant encore plus de radicalité.

L’un des symboles les plus éloquents de ce raz-de-marée islamiste a été l’obtention, dans les années quatre-vingt-dix, par un groupe d’avocats d’une décision judiciaire imposant au célèbre penseur égyptien Nasr Hamid Abu Zayd de divorcer de sa femme. Les avocats en question avaient considéré qu’au vu de ses écrits, Abu Zayd s’était rendu coupable d’apostasie et que par conséquent il n’avait plus le droit de rester marié avec une femme musulmane. La justice égyptienne a adhéré à cet argumentaire juridico-religieux et a prononcé l’annulation du mariage ce qui a contraint Nasr Abu Zayd et son épouse à l’exil.

Je ne sais pas pourquoi mais l’affaire Nessma qui est passée en jugement cette semaine m’a rappelé l’affaire Abu Zayd toutes proportions gardées bien entendu (Nabil Karoui n’est ni un intellectuel, encore moins un libre penseur ce n’est qu’un petit marchand du temple médiatique). En vérité, j’ai peur de voir le scénario égyptien se répéter en Tunisie avec la montée en puissance d’un islamisme revanchard qui va s’acharner à judiciariser la vie intellectuelle et culturelle pour imposer son idéologie à l’ensemble de la société.

Ainsi, les libertés et les droits individuels que les tunisiens ont commencé à s’approprier après plus de cinquante ans de dictature (et même ceux qu’ils ont toujours eu) risquent d’être remis dangereusement en cause. Aux premiers jours de la révolution tunisienne, certains commentateurs l’ont comparée à un film épique grandiose. Espérons qu’aujourd’hui elle ne va pas se métamophoser en un mauvais feuilleton égyptien.

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