dimanche 5 avril 2009

Lablebi et patriotisme

On a souvent coutume de dire que ce qui fait l’identité d’un pays ce sont principalement ses symboles nationaux qu’il s’agisse de symboles culturels, architecturaux ou culinaires. Concernant ce dernier point, il est intéressant de constater que certains plats sont irrémédiablement associés dans l’imaginaire collectif à des pays bien spécifiques. Ainsi la Paëlla est toujours rattachée à l’Espagne, les pâtes et la pizza à l’Italie et les sushi au Japon. Cette énumération n’est d’ailleurs pas exhaustive et on peut multiplier à loisir les exemples de ce genre.

Pour ce qui est de la Tunisie, un observateur étranger pourrait considérer que le couscous est sans aucun doute notre plat national. Une telle affirmation même si elle n’est pas totalement erronée, dénote néanmoins d’une vision superficielle des choses car même si le couscous occupe une place de choix dans notre panthéon culinaire, il n’en demeure pas moins que ce plat n’est pas l’apanage des seuls tunisiens puisque nos amis marocains, algériens et libyens peuvent légitimement en revendiquer la paternité.

Pour ma part, je considère que s’il y a un plat exclusivement spécifique à la Tunisie et qui peut aisément être érigé en emblème national c’est sans conteste notre fameux Lablebi. Les tunisiens peuvent d'ailleurs être fiers d’avoir offert au monde ce mets exquis qui constitue la quintessence de notre savoir culinaire millénaire.

Cette évocation du Lablebi me rappelle une anecdote de mon enfance dans laquelle il a joué un rôle de premier ordre. Etant enfant, nous avions reçus dans notre famille des amis français venus séjourner en Tunisie avec leurs enfants.

Dans une tentative de promotion du patrimoine culinaire national, nous les avions gentiment conviés à déguster un bol de Lablebi dans une gargote du centre ville de Tunis dont le slogan publicitaire était « si tu trouve dans ton Kaftegi une dent, c’est que certainement il sera très bon ».

Les amis français étant friands de sensations fortes, nous avions pensé qu’un déjeuner dans un endroit aussi pittoresque allait certainement les enchanter. Mais dans notre souci de satisfaire leur goût pour l’exotisme nous avions oublié les différences structurelles qui existent entre un estomac européen et son homologue arabe.

En effet, une fois le denier pois chiche avalé nos amis français ont tout de suite cherché à atteindre les premières toilettes disponibles. Il était donc clair qu’en matière de sucs gastriques la supériorité de la race arabe n’était plus à démontrer.

Cependant et malgré ce petit accident digestif, nous avions naïvement cru que nos amis gaulois avaient apprécié à sa juste valeur ce mets délicat et raffiné qu’est notre cher Lablebi.

Quelle fut donc ma surprise d’entendre la nuit venue l’un des enfants français demander à son père d’une voix grave et mélancolique : « papa pourquoi ils nous ont fait manger de la nourriture pour chiens ? »

Au son de ces paroles blasphématoires et calomnieuses, la harissa du Lablebli m’est montée au nez et j’ai bondi comme un forcené pour demander des excuses diplomatiques solennelles au nom de ma famille ainsi qu'au nom de tous les fellagas dont le sang immaculé à nourri la terre sacrée de ce pays.

Il y a certaines choses que la dignité patriotique ne peut tolérer. S’ils avaient insulté la chakchouka ou la Mloukhia j’aurais pu laisser faire mais s’agissant de Lablebi c’était Patria o muerte.

6 commentaires:

YM a dit…

Très beau texte, Bravo le patriote

Transit World a dit…

:))) juste pour l'info un plat équivalent à notre lablabi national existe chez les russes! je ne me rapelle plus du nom mais je peux te confirmer que c'était exactement le même gôut sans la Hrissa bien sur.

Gouverneur de Normalland a dit…

bravo pour le jolie poste

on remarque que le lablabi a été repris au cinéma ...

quand j'ai vu la scéne de "noce de loup" de Jilani el Saadi ou il s'agit de deguster un lablabi ... je me suis dit ... enfin ! ce n'est pas trop tot

bouillie pour chien a dit…

T'es sûr que c'est pas le couscous au poisson ?

Ecrits-anonymes a dit…

@YM
Merci de votre passage.

@TransitWorld
Merci pour l'info mais bon l'absence de harissa rend toute comparaison improbable.

@Gouverneur de Normalland
Il est rare que les films tunisiens rendent hommage à notre patrimoine culinaire populaire.

@bouillie pour chien
Trop élitiste mon fils.
Surtout avec les prix de la poiscaille de nos jours.

The Dreamer a dit…

wbel 3adhma