mercredi 14 décembre 2011

Une démocratie sous tutelle


Qu’est ce qui différencie les expériences démocratiques tunisienne, égyptienne et marocaine ? Dans les deux derniers cas, le face-à-face entre les islamistes fraîchement élus et la société civile ne se déroule pas à huit-clos.

Au Maroc, le roi s’est octroyé une position transcendante qui lui permet d’être le défenseur de certaines valeurs qu’il juge comme primordiales pour garantir la stabilité politique et sociale du pays. En Egypte, le conseil supérieur militaire essaye présentement de s’adjuger une position similaire notamment à travers l’instauration d’un comité consultatif chargé d’élaborer la future constitution. Ce comité sera, semble-t-il, pérennisé afin qu’il puisse se positionner comme arbitre suprême de la vie politique égyptienne.

Les deux exemples que je viens de citer ressemblent à certains égards à ce que fut la situation de la Turquie  il y a deux décennies lorsque l’armée jouait le rôle de gardien du temple laïque édifié par Mustapha Kemal le fondateur de la Turquie moderne.

En Tunisie ce type de soupape de sécurité n’existe pas et d’ailleurs c’est précisément pour cela que le soulèvement populaire tunisien mérite d’être pleinement qualifié de révolution car il a renversé l’ancien régime dans son intégralité et a conféré les pleins pouvoirs au peuple via l’organisation d’élections démocratiques.

Cependant la question se pose de savoir si le peuple tunisien a attient l’âge de majorité politique et peut donc se passer de tout mécanisme de tutelle permettant de le guider dans cette phase transitoire si délicate ?

Je suis sûr que pour certains, le seul fait de poser la question s’apparente à un crime d’apostasie démocratique mais en vérité je pense sérieusement que passer d’une dictature de plus d’un demi siècle à l’instauration d’une véritable démocratie n’est pas une chose aisée car qui dit démocratie moderne dit culture démocratique or l’enracinement de cette culture dans l’esprit des peuples requiert du temps et de la patience.

L’exemple turc, que beaucoup ne cessent de vanter, en est d’ailleurs la preuve éclatante puisqu’il a fallu presque deux générations pour que la Turquie soit prête à mettre en place une vraie démocratie émancipée de toute tutelle extérieure. Même si depuis deux ou trois ans, les choses semblent se détériorer sur le plan des droits et des libertés au vu des arrestations récurrentes de journalistes et de militants de la cause kurde.

Quoi qu’il en soit, même si je pense que la tutelle est une solution qui présente plusieurs avantages notamment pour des sociétés comme la nôtre où le religieux se mêle insidieusement au politique. Cependant il y a toujours le risque qu’elle soit instrumentalisée pour consacrer une nouvelle forme de dictature. De plus je crois qu’il est grand temps de laisser les islamistes seuls face à leurs responsabilités afin de briser une fois pour toutes ce tabou tant redouté de l’islamisme politique. Même si à voir les tribulations diplomatiques d’un certain cheik dépourvu de toute légitimité électorale, on ne peut s’empêcher de penser que la tentation d’imposer une tutelle religieuse à la jeune démocratie tunisienne n’est pas de l’ordre de l’hypothèse farfelue.


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