samedi 27 décembre 2008

Centres d’appels soviétiques

Il y a quelques années j’ai travaillé comme esclave dans un centre d’appel ou plutôt dans une entreprise spécialisée dans l’outsourcing (pour être politiquement correct). L’installation de ces centres d’appel dans nos contrées est une conséquence directe de la politique libérale dominante qui veut qu’une entreprise doit absolument être délocalisée pour profiter des bas salaires des pays émergents (tant mieux pour nous). Cependant, en travaillant au sein de l’un de ces poulaillers téléphoniques, je me suis rendu compte que la politique managériale qui était appliquée s’inspirait largement des standards soviétiques en matière de gestion des ressources humaines.

Dans les années 30 du siècle dernier, l’union soviétique avait mis en place la doctrine du « stakhanovisme ». Ce terme a pour origine le nom d’un mineur « Aleksei Stakhanov » qui aurait extrait plus de cent tonnes de charbon en six heures soit environ quatorze fois le quota demandé à chaque mineur.

Cette performance orchestrée de main de maître par la propagande stalinienne allait aboutir à l’instauration d’une politique généralisée du travail ayant pour finalité de tirer le maximum des performances de chaque travailleur en le poussant à aller au-delà de ses limites peu importe les moyens utilisés. Cela se traduit dans les faits par des cadences de travail infernales et par un management d’une agressivité extrême.

Cette doctrine stalinienne semble avoir séduit les chantres du capitalisme puisqu’on la retrouve appliquée dans une majorité d’entreprises même des plus prestigieuses. Bien entendu on a pris le soin de la rebaptiser avec des termes anglophones qui donne l’impression que cette politique est le dernier avatar de la modernité alors qu’il ne s’agit en fait que de la perpétuation de vieux concepts soviétiques.

Comme quoi avec un peu de bonne volonté, il est facile de concilier capitalisme et marxisme. Employeurs du monde, unissez vous !!

4 commentaires:

24Faubourg a dit…

rien à dire, t'as raison...

Anonyme a dit…

Je suis passé par là moi aussi et je dois avouer que vous n'avez pas tort.

Les centre d'appels qui se sont implantés en Tunisie n'ont pas vraiment élaboré de politiques internes de management ou de GRH(ou peut être n'ont-ils tout simplement pas jugé très utile de le faire). A mon avis pour deux petites raisons :

1. Le déséquilibre total entre l'offre et la demande. (Avec le taux de chômage des hauts diplômés, ça se comprend !)

2. Beaucoup de candidats n'y voient qu'un moyen pour sortir d'une situation de précarité qui commence à peser (en attendant un poste dans leur domaine de formation académique) ou de se faire un peu d'argent pour l'été ou les vacances. Très peu sont ceux qui envisagent une "carrière" dans un centre d'appels. Les raisons sont multiples.

A cela s'ajoute d'autres éléments tels que, le droit de l'employeur de licencier sans motif valable et à n'importe quel moment un salarié (la clause des contrats "Centre d'Appels" par excellence), l'ignorance des travailleurs de leurs droits, l'absence de ce que je peux appeler, la solidarité salariale collective (Du "syndicalisme" comme se plaisait à ironiser un responsable d'un centre où j'ai passé quelques mois), les résidus d'un complexe de supériorité occidental qui gîte dans les cervelles de certains responsables étrangers de plateformes … Et la liste est encore longue je crois.

Cela dit, je crois que la situation commence à s'améliorer petit à petit ces dernier temps. Les investisseurs étrangers étant convaincus que la Tunisie est un véritable Eldorado en matière de délocalisation (niveau des candidats, proximité géographique de l'Europe, mesures prises par le gouvernement), ils sont de plus en plus présents et il commence à y avoir un semblant de concurrence (enfin j'espère). Et les sociétés commencent à améliorer les conditions de travail ainsi que les avantages.

Mais tout cela ne conteste en rien la nécessité pour les T.A/T.O (téléacteurs ou téléopérateurs pour les non initiés) de se regrouper autour d'une structure syndicale pour défendre leurs droits et intérêts, ou d'en créer simplement la leur vu qu'il s'agit qu'une catégorie de travailleurs aux conditions de travail, et par conséquent aux besoins (voire revendications), assez spécifiques.

Bravo pour le choix du sujet et pour l'article !

Selim a dit…

Parfaitement d'accord avec toi. J'en ai déjà parlé aussi:

http://carpediem-selim.blogspot.com/2008/07/prcarit-de-lemploi-dans-les-centres.html

Ecrits-anonymes a dit…

@خــمــيّــس ولـد الـفـكـرونـة
Je vous tire mon chapeau pour cette petite analyse socio-économique que je trouve plus pertinente que celle de ces pseudos sites économiques tunisiens.

Je suis d’accord avec vous sur un point en particulier : le fait que beaucoup de candidats ne voient dans ces centres qu’un moyen temporaire pour sortir de la précarité permet de leur faire avaler beaucoup de couleuvres. D’autant plus que ce qui n’était qu’un boulot d’été se transforme parfois pour ne pas dire souvent en un job à plein temps.

Mais il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain : ces boîtes spécialisées dans l’outsourcing ont permis de conférer un moyen de subsistance à de nombreux jeunes pour qui la précarité était devenue leur lot quotidien.

Autre avantage indirect, ces centres ont contribué à donné un nouvel essor à la langue française (du moins le français parlé) il faudrait d’ailleurs une étude sérieuse pour mesurer leur impact en la matière.